Cette fois, je tenais à revenir sur une photo. C’est un exercice rare ici mais que j’apprécie particulièrement. Nous sommes en 1962, la Targa Florio vit son âge d’or, qu’on situe de l’après-guerre à 1973, année de sa dernière intégration au championnat du monde World SportsCars.
Depuis quelques années, on assiste à un duel Ferrari/Porsche et la première nommée compte bien garder son dû, après la victoire 1961 de la Ferrari 246 SP de von Trips et Gendebien. Pour cela, les petits plats sont mis dans les grands et deux 246 SP sont engagées sur la classique sicilienne, avec les meilleurs pilotes. D’un côté, Hill et Gendebien, de l’autre, Mairesse et Rodriguez.
C’est là qu’entre en scène notre photo du jour. Plusieurs jours, semaines et mois auparavant, les équipes s’entraînent et reconnaissent le terrain, la course et ses 72 kilomètres tracés dans les montagnes de Madonnie, au nord est de la Sicile. Cette année là, ce sont des Ferrari 250 GTO que l’écurie italienne utilise pour ces phases si importantes d’avant course. L’Américain Phil Hill hérite de la 250 GTO châssis 3413GT (qu’on verra dès 1964 recarrossée par Sergio Scaglietti / à lire, Ferrari 250 GTO, un record à 42 millions d’euros, juin 2018) et c’est là que notre photographe entre en jeu.
Derrière l’objectif, Jesse Alexander. L’un des photographes automobiles les plus talentueux de son époque. Il saisit l’instant, la Ferrari fend la campagne sicilienne au cœur des Madonnies et croise un troupeau de chèvres. Clic, l’instant est choisi, la photo équilibrée, la scène parfaite, typique, anachronique presque. Sublime. Et les reconnaissances de l’Américain continuent…

Après la photo, l’histoire continue…
Fin prêt, Phil Hill se présente au départ de la Targa Florio. C’est l’heure des essais. Lancé sur les 72 kilomètres du “Circuito Piccolo delle Madonie”, c’est la faille pour la Ferrari 246 SP, l’accélérateur reste bloqué “à fond” et malgré tous ses efforts, l’Américain ne parvient pas à stopper son Italienne. C’est l’embardée. La Ferrari sort de route et fait plusieurs tonneaux. Par miracle, Hill s’en sort sans dommage mais sa Ferrari est détruite, il ne pourra pas prendre le départ de la Targa Florio 1962. La Scuderia perd la moitié de ses chances de victoire, il ne reste qu’une 246 SP.
En reste ces deux clichés. Sur le premier, on voit les traces de pneus laissées par Phil Hill lorsqu’il tentait de freiner coûte que coûte sa Ferrari lancée à pleine vitesse. On l’aperçoit à gauche, au centre des trois à hommes. Face à lui, Peter Coltrin photographe émérite de l’agence Klemantaski, Britannique vivant à Modène et habituel photographe de la Scuderia Ferrari des années 50/60, tout comme de Maserati et Lamborghini. Rares étaient les séances d’essais de ces marques, les Grands Prix de Monza, les Targa Florio sur lesquelles Peter Coltrin était absent. C’est d’ailleurs lui qui immortalise la seconde photo, la 246 SP blessée, suite à la sortie de route…


Phil Hill rebondit
Sorti de la route, voiture détruite, Phil Hill ne pourra pas prendre le départ de la Targa Florio 1962, tout comme Olivier Gendebien, son coéquipier. Sauf qu’à cette heure, on peut toujours modifier les équipages ! Ainsi, Olivier Gendebien rejoint ses coéquipiers Willy Mairesse et Pedro Rodriguez sur la Ferrari #152. Dans le jeu, c’est Willy Mairesse qui est un peu mis de côté, jugé moins fiable sur un tel terrain que le Belge Gendebien. Bien lui en a pris à la Scuderia, car c’est bien le Belge Olivier Gendebien qui mènera la Ferrari 246 SP sur la première place de la Targa Florio 1962 ! Et ainsi, Ferrari conservera sa couronne, du moins pour 1962.
A bientôt,
Jean-Charles
A lire
Targa Florio 1962 chez Racing Sports Cars
Ferrari 250 GTO – #3413G, chez Radical
3413GT 62/apr/30 Ferrari 250 GTO, chez Barchetta
Targa Florio 1962 : Ferrari 250 GTO 3451GT, la Golden Brown
Targa Florio 1964 : la Ferrari 250 GTO venue du froid
Aussi, chez RDV, quand on parle de Targa Florio et de 250 GTO, on pense à la Ferrari 250 GTO 3451GT, la Golden Brown et à la Ferrari 250 GTO venue du froid.