Jean Prouvé et les stations-services Total

Connu pour ses conceptions avant-gardistes en matière d’architecture et de design, Jean Prouvé s’inscrit dans la tradition des artistes qui ont révolutionné les structures de l’architecture au XXème siècle. Il était donc important d’écrire à son sujet car oui, Jean Prouvé eut un lien avec l’automobile. Récit.

Ingénieur, architecte et ferronnier d’art mais aussi sculpteur, ses nombreuses œuvres répondent à un besoin de solutions innovantes, fonctionnelles, économiques tout en répondant à une recherche évidente de l’esthétique. Tant dans le domaine des bâtiments que dans celui des meubles, Jean Prouvé s’est aussi démarqué par la conception d’ensembles polygonaux que représentent les stations-services Total dont certaines ont été transformées en logement vintage. Des structures qui ressemblent à des kiosques légers, aériens et pourtant extrêmement solides et pérennes.

Du fer forgé et de l’aluminium au service de l’architecture

Héritier de l’école d’architecture de Nancy, Jean Prouvé est un designer autodidacte qui va débuter ses réalisations avec des ornements d’habitations. Grilles d’entrée , garde-corps, rampes d’escalier et bien d’autres créations qui vont marier avec succès, le fer forgé avec des techniques de façonnage entièrement nouvelles alors.

Jean Prouvé va commencer à utiliser l’aluminium qui prend la forme de tôle pliée, à la fois pour la construction elle-même mais aussi pour les aménagements intérieurs.

La période d’après-guerre fait apparaître une demande importante en logements dans des zones complètement rasées par les bombardements. L’architecte va tourner toute sa créativité autour de la « pensée constructive », penser une construction dans une vision d’ensemble. Celle-ci va fonctionner sur une production à l’esthétique minimaliste sans artifice inutile. On rejoint ici la philosophie de Pierre Jeanneret, Charlotte Perriand et Le Corbusier. Des structures solides mais légères sont assemblées par des mécanismes intelligents qui permettent de les démonter, de les déplacer et de les remonter. Pour réaliser cette œuvre de reconstruction de maisons pour réfugiés, il va créer sa propre usine à Maxéville. Meubles ou maisons ne présentent pas de différences pour lui et ainsi il va entreprendre la production de mobiliers, bureaux, sièges, tables… qui à l’heure actuelle s’arrachent pour une fortune dans les ventes publiques. Il va aussi tenter de convaincre les pouvoirs publics de construire les maisons sur le même mode que les automobiles c’est-à-dire dans de grands ensembles permettant une meilleure organisation et une réduction des coûts. Malheureusement, il n’est pas suivi et se heurte à l’opposition d’une série d’architectes plus conservateurs.

Jean Prouvé va contribuer largement à la reconstruction de l’après-guerre d’une manière innovatrice, totalement en décalage avec les règles, techniques et styles architecturaux de l’avant-guerre. Il peut faire face à une demande importante de constructions grâce à la technique du préfabriqué qui s’installe rapidement pour un coût attractif. Cela va aussi lui permettre de faire envoyer des constructions démontables bon marché en République du Congo et au Niger dans la volonté humaniste qui l’a toujours caractérisée.

Son immense talent est aussi très prolixe. Au-delà des mobiliers pour habitations, bureaux ou écoles, des maisons simples comme celle de l’Abbé Pierre, « Les Jours Meilleurs » que le Corbusier a qualifié de « la plus belle construction », il s’exprime aussi dans des œuvres aussi prestigieuses que les façades de l’UNESCO en 1969 ou le siège du Parti Communiste français avec O. Niemeyer un an plus tard, la maison du Peuple, la Tour Nobel de Paris dans le quartier de la Défense…On peut toujours admirer la porte d’entrée et grille de l’Hôtel Martel à Paris

Acteur central de la construction de la Cité Universitaire de Nancy, il va y laisser une trace indélébile. Il devient un point de référence dans l’histoire de l’architecture contemporaine.

La construction des stations-essence TOTAL

En 1969, la compagnie TOTAL qui poursuit une stratégie d’aménagements industriels de ses stations-services et souhaite une image de marque qui la ferait se différencier radicalement, de ses concurrents. Elle se tourne alors, vers Jean Prouvé, déjà renommé pour sa maîtrise des matériaux préfabriqués en architecture. C’est le dessinateur Serge Binotto de son cabinet d’architecte, qui va donner forme à la station-service circulaire de Total. Cela devient partie intégrante de l’image de marque de la compagnie énergétique. Le concept est totalement révolutionnaire, la station multiservices est née avec son restaurant, ses produits en vente…, l’idée de permettre à l’automobiliste et ses passagers de se restaurer et faire de petits achats en faisant le plein d’essence, est née.

Le principe est un bâtiment à structure rayonnante en tôle galvanisée, articulé autour d’un fût central et de poteaux périphériques. La façade est de forme polygone quasiment sphérique (13 panneaux en polyester et verre ainsi que le toit sont fabriqués en usine). Les couleurs utilisées sont celles du logo de Total à savoir, le rouge, le bleu et l’orange. Il s’agit d’une structure qui s’adapte à n’importe quel terrain et on en trouvera ainsi sur les bords des routes et autoroutes de l’Hexagone.
La superficie occupée est de 150 m2 et la construction a deux étages, l’étage supérieur étant prévu comme logement de l’exploitant de la station-service.

Station Total “le Relais de Sénart” à Draveil (92), par l’architecte Jean Prouvé.

Plus d’une centaine de ces stations services vont être construites entre 1969 et 1972. Seules quatre continuent à fonctionner mais d’autres ont été rénovées dans un esprit vintage et habitées. En Dordogne, une de celles-ci achetée à Nancy et démontée, a été réaménagée et transformée en gîte haut de gamme dans le respect de l’esprit vintage qui caractérise les constructions de Prouvé. Toutefois, si certaines ont été détruites, d’autres ont été démontées pour être conservées. Elles sont devenues des pièces de collection qui peuvent reprendre vie d’une manière inattendue. Une des stations Total dans le Doubs, a été classée en 2013 et ne peut plus être détruite comme ce fût le cas d’une de ces stations en Bourgogne au grand dam des amoureux des œuvres de Jean Prouvé.

Le principe de la mobilité qui est le point central de son œuvre a finalement permis à ses stations services de survivre.

A voir aussi :

https://renamimoa.jimdofree.com/station-service-prouv%C3%A9/
https://www.patrickseguin.com/fr/designers/jean-prouve-architecte/inventaire-maison-jean-prouve/station-service-total-1969/
https://www.bienpublic.com/grand-dijon/2012/04/11/une-station-service-historique
https://tourisme-marseille.com/fiche/station-service-agip-st-loup-de-jean-prouve-marseille/

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