2 juin 1934
Grand Prix de l’Eifel, le rendez-vous de l’année. Sur le circuit du Nürburgring, inauguré 7 ans plus tôt, les Mercedes sont là, se présentant aux vérifications techniques. Mais surprise, à l’issue de la pesée des voitures, les nouvelles W25 sont refusées lors du contrôle : elles sont trop lourdes. En effet, cette année là, le règlement impose aux voitures de la catégorie Formula 750 de peser au maximum 750 kilogrammes, hors essence et pneumatiques. Ainsi, les instances limitent la puissance des voitures de course et donc les vitesses maximales possibles.
Mais pour leur premier rendez-vous, les Mercedes blanches pèsent 751 kilos (ou 754 ou 756 selon les sources…). Comment faire ? Alfred Neubauer, directeur de l’équipe Mercedes, et ses mécaniciens se creusent la tête mais il leur est impossible de supprimer une pièce ou un accessoire ! C’est alors que Manfred von Brauchitsch, pilote emblématique de la marque à l’étoiles une idée de génie : gratter la peinture ! Neubauer fait alors poncer les carrosseries des Mercedes, supprimant ainsi la peinture et leur masse. Les Mercedes s’en retrouvent grises, couleur d’aluminium nu et poli, couleur d’argent. Les Flèches d’argent sont nées, admises à prendre le départ du lendemain.

3 juin 1934
Avec leur nouvelle robe grise argent, les W25 prennent le départ du Grand Prix de l’Eifel 1934, dit Eifelrennen. Petit détail, sur la W25 de Luigi Fagioli, les jantes sont encore blanches, issues de la livrée poncée la veille. En effet, avant ce week-end de Eifelrennen, les voitures de course allemandes devaient porter la couleur blanche. Ce week-end changera l’histoire…
Le lancement de la Mercedes W25 était prévu courant mai 1934, sur le circuit de l’AVUS, à Berlin. Mais face à un problème technique (la pompe à essence ne débitait pas assez d’essence), c’est au cœur des collines de l’Eifel qu’elles verront le jour. C’est un coup d’éclat. Lors de cette Eifelrennen 1934, Manfred von Brauchitsch s’illustre et remporte la manche. Luigi Fagioli se classe deuxième. C’est un triomphe, les Mercedes W25 sont bien nées ! La suite, c’est la presse qui s’en chargera, communiquant ce triomphe, assurant le nouveau nom : les Flèches d’argent ! Les Silberpfeile en allemand, les Silver arrows en anglais.
A noter que sur ce rendez-vous de l’Eifel, le talentueux Rudi Caracciola est engagé sur la troisième W25 mais n’a pas souhaité courir.

Le doute nazi
Si l’histoire de la carrosserie blanche poncée pour arriver à l’aluminium brut est tout à fait jolie voire romantique, il semblerait toutefois que quelque doute existe sur la véracité des propos, et même Mercedes F1 en parle hypothétiquement sur son site officiel. Tout cela appartient à la légende. Il faut dire aussi que cette période est pesante et volontairement effacée des communications officielles des constructeurs allemands, qu’ils soient Mercedes, Audi ou autres.
Tous ont bénéficié des efforts des guerre, des financements du parti nazi dans le développement des voitures de course et tous aujourd’hui rechignent à assumer ce passé que tout le monde connaît. Par exemple, aucune croix gammée ne figure sur les photos délivrées par les constructeurs. Hors, on sait que presque toutes les voitures de course de l’époque, et presque toutes les Flèches d’argent, de Mercedes ou d’Auto-Union portaient ce symbole ou le drapeau nazi.
Car 1919, par le traité de Versailles, l’Allemagne est sanctionnée suite à sa responsabilité dans la première guerre mondiale. Son réarmement est limité. Elle n’a ni droit aux blindés, ni à l’artillerie ni à l’aviation militaire, mais rien n’empêche l’Allemagne de développer des voitures de course. Pour cela, dès les années 1933/1934, le gouvernement allemand soutient les constructeurs automobiles dans le cadre du sport automobile. Ce soutien permet alors les développements techniques, mécaniques qui seront plus tard utilisés dans l’armement militaire, les chars, les avions. Entre autres par le sport automobile, la politique guerrière nazie est lancée.

Du gris dans le blanc
Pour conclure ce sujet gris argent, je me demande aussi si cette vague argentée ne fut un pied de nez aux règlementations internationales. En effet, depuis le début du siècle, l’ancêtre de la FIA, l’Association Internationale des Automobile Clubs Reconnus (AIACR), impose aux équipes et constructeurs de porter les couleurs de leurs pays. Hors on sait que dans les années 30, le Nazisme monte en Allemagne, refusant les directives des puissances et organisations étrangères, dont le Traité de Versailles. Le gouvernement nazi n’aurait-il pas favorisé cette volonté de changement, imposant ses couleurs grises argentées ? Possiblement. Mais ce n’est qu’une hypothèse.

Car si les Mercedes W25 sont apparues à l’Eifel dans leur robe argentée, les Auto Union Type A étaient elles déjà grises argent lors de l’Avusrennen, une semaine auparavant. Certaines coupures de presse d’époque parlent aussi de Mercedes déjà grises aux essais de l’Avusrennen. Pourquoi ce changement commun pour les deux principales équipes allemandes, passant du blanc au gris argent ? La presse nazie aurait-elle œuvré pour créer le mythe des Flèches d’argent ? Cette couleur commune aurait-elle été mise en place pour montrer la puissance allemande lors des compétitions internationales auxquelles les équipes teutonnes participaient ? Dans le climat compliqué dans lequel les équipes ont évolué, où tout était politique, tout cela n’est que mystère… et tout est possible…
C’était l’histoire des Flèches d’argent, ou plutôt leurs légendes.
A vous les studios,
Jean-Charles
En images, l’Eifelrennen 1934
A voir aussi
https://fr.wikipedia.org/wiki/Grand_Prix_automobile_de_l%27Eifel
https://fr.wikipedia.org/wiki/Eifelrennen_1934
http://www.kolumbus.fi/leif.snellman/gp3404.htm
http://www.kolumbus.fi/leif.snellman/gp3404.htm#15
2 réflexions sur “Le 2 juin 1934 serait-il le premier jour des Flèches d’argent Mercedes ?”