Bivio Polizzi : le ravitaillement de la Targa Florio, au beau milieu des montagnes des Madonies

Si la Targa Florio était une course incroyablement difficile par son tracé aux nombreux virages juchés de dangers, elle n’en était pas moins une course d’endurance, une grande course d’endurance.

Lorsqu’elle entte en 1955 au calendrier du FIA World Sports Car Championship, la Targa Florio rejoint alors des courses prestigieuses telles que les 1000 km de Buenos Aires, les 12 heures de Sebring, les Mille Miglia, les 24 heures du Mans et le RAC Tourist Trophy. Le niveau est tel que l’exigence et le travail demandé sont de mise, le prestige l’étant tout autant. Dans ces années 50, le sport automobile se professionnalise peu à peu. Les équipes engagées sont véritablement professionnelles, entre autres tirées par Mercedes et ces Flèches d’argent. Les constructeurs automobiles s’engageant ont des objectifs de victoires, de titres, de gloires et on ne laisse plus le hasard avoir sa place.

Avec ses 72 kilomètres et 750 virages par tour, tous les scénarii sont possibles sur ce “Circuito Piccolo delle Madonie” qui accueille la Targa durant 10 à 11 tours selon les années. Long, difficile, endurant, rythmé, le tracé des Madonies ne laisse pas de répit aux concurrents, tout comme à leurs bolides.

Les équipes sont alors autorisées à placer une équipe de mécaniciens hors des stands de Floriopoli. C’est donc à mi-course que ces équipes légères prennent place. Là, elles peuvent alimenter les voitures en essence, changer des pneumatiques. En cas de problème sur la voiture, elles sont aussi autorisées à faire quelques réparations de fortune, qui permettraient au moins à la voiture de rejoindre Floriopoli, là où est installé le gros de l’équipe.

Targa Florio 1955, la Mercedes-Benz 300 SLR #104 des Moss & Collins, qui remporteront la classique sicilienne cette année là, passe Bivio Polizzi. Elle y sera passée 10 fois cette année là.

Ainsi, les grosses équipes, les grands constructeurs avaient deux assistances, d’un côté et de l’autre du circuit. Au kilomètre 1, nous avons Floriopoli et ses stands officiels, puis au kilomètre 38, au “Bivio Polizzi” comme l’appelle, nous avions une zone de refuelling, une assistance rapide. En bref, un point de service plus souple, plus léger.

C’est donc au croisement des SP643 et SP9bis que s’installent les équipes, un grand carrefour en épingle à gauche. Un kilomètre après Scillato, environ 10 kilomètres avant Collesano, une des cités les plus marquantes de la Targa.

“Bivio Polizzi” ou “carrefour Polizzi” du nom du village plus en aval de la route SP643, où la Targa ne passait pas d’ailleurs, du moins dans la version “Piccolo” du circuit des Madonies.

Au fur et à mesure des années, ce petit coin de Sicile devient une scène importante de la Targa Florio. Les équipes sont présentes avec leurs camions, leurs matériels. Les pompiers sont là aussi, au cas où un incident arriverait. On imagine d’ailleurs le danger omniprésent et la tension présente sur ses quelques mètres de tarmac. Des personnels proches, des voitures chaudes, des moteurs bouillants, des disques de frein rouges, couplés aux effluves et vapeurs d’essence…

Tout cela, le public l’a bien compris et se masse à l’intérieur de l’épingle ou sur la colline. En plus du spectacle offert par les concurrents sur la route, les spectateurs bénéficient de scènes incroyables, le travail des mécaniciens, dans une ambiance indescriptible…

1969, filant vers la victoire, la Porsche 908-02 Spyder fait le plein à Bivio Polizzi.
Léger contrebraquage en sortie de l’épingle gauche de Bivio Polizzi.
Targa Florio 1958 – Ferrari 250 TR 58 N°98 – Phil Collins / Graham Hill (4th)

Lorsque l’auto passe sans souci particulier, c’est l’occasion pour les mécaniciens d’être tout de même utiles à leur pilote. C’est alors qu’un geste, une main en l’air prennent tous leurs sens, informant le pilote sur un concurrent ou sur les autres autos du team par exemple. On voit même des panneaux et ardoises apparaître, précisant un classement en direct, un écart avec une poursuivant. Il faut dire que ce “Bivio Polizzi” est assez haut et permet d’avoir un point de vue non négligeable sur la course, sur les poursuivants par exemple, en plus d’être à quasi mi-course.

1962, Ricardo Rodriguez au volant de la Ferrari 246SP passe « Bivio Polizzi », son mécanicien le salue « Tutti va bene Ricardo ! » (on a vu la bouteille) – Photo : The Klemantaski Collection.

Bivio Polizzi, est un des nombreux carrefours qu’ont pu rencontrer les concurrents de la Targa Florio. Mais ce carrefour était sans doute le plus stratégique de tous…

Bonne journée chez vous,
Jean-Charles

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