WRC : La descente aux enfers des équipes japonaises…

Article datant du 18 décembre 2007, publié sur le blog Dino Rally Team, aujourd’hui fermé.

On aurait pu titrer cet article « Equipes de l’empire du soleil couchant » car dans tous les cas, les équipes ou pseudo-équipes japonaises ne sont pas en grande forme dans le sport automobile actuel.

La saison 2007 du Championnat du Monde des Rallyes vient de s’achever. Dans les médias, 2 gaillards et 2 équipes ont occupé le haut du pavé. D’un côté Marcus Grönholm et l’équipe Ford BP World Rally Team. De l’autre, Sébastien Loeb et l’équipe Citroën World Rally Team. De ces 2 duels, chacun est sorti vainqueur à sa façon. Ford a remporté le titre Constructeurs et Loeb, le titre Pilotes. Loeb vs Gronholm, façon Anquetil et Poulidor. Un combat de gladiateurs où ces deux-là, en définitive, étaient faits pour s’entendre. Bref, leurs émois ont fait mousser le moindre journaliste sportif, portant gloire à leur monture, leur char d’assault : une aubaine pour les petites équipes, ou plutôt les équipes au creux de la vague, celles dans une période « OFF » tandis que Citroën et Ford sont belles et bien dans leur période « ON ». Ces équipes « OFF » sont trois marques japonaises* : les mémorables Subaru et Mitsubishi et la petite dernière arrivée : Suzuki.

De ces 5 marques citées ici, toutes ont fait le choix de s’implanter en Europe, continent-père du rallye. De l’histoire du rallye, quasi toutes les équipes et entreprises gérant les programmes des marques étaient européennes, même si ces marques étaient internationales. Chaque entité choisit alors sa position. Deux étaient possibles : d’un côté du « tout à la maison » et de l’autre en sous-traitance totale.

Ford a régné sur le rallye via Ford Motorsport puis M-Sport depuis Boreham puis Cumbria (R.-U.), Audi via son préparateur maison depuis Innsbruck (All.), Citroën par Citroën Sport depuis Satory (Fr.). Subaru régnait via Prodrive, à Banbury (R.-U.); Mitsubishi via Ralliart à Rugby (R.-U.), et Suzuki vient d’arriver en Yvelines (Fr.), et le règne reste à voir. Bien que, ce règne exista mais en JuniorWRC, via SuzukiSport en Hongrie.

Ici, les trois marques nippones dernièrement citées nous intéresseront. Comme Honda ou Toyota en F1**, en rallye, le schéma se reproduit. Les têtes pensantes sont au Japon, alors que les terminaisons nerveuses, les petites mains sont en Europe.

Suzuki aura opté par du « tout à la maison », par le biais de Suzuki Sport Europe. La firme japonaise regroupait donc il y a quelques mois ses équipes réparties entre la Grande-Bretagne et la Hongrie, en France aux Essarts-le-Roi (Yvelines). D’ailleurs, selon un communiqué du département des Yvelines, le constructeur japonais envisagerait déjà une extension du site. Bizarrement, les échos que l’on en a ne sont pas si bons. Michel Nadan, père de la victorieuse 206 WRC, a soit été remercié, soit est parti de lui-même, les échos divergent. Symbole de volonté, FX Demaison est arrivé de Suz, débauché de chez Subaru.

Pour reprendre quelques mots d’un article précédemment sorti chez Dino, les oppositions, les divergences, les conflits internes et autres bipolarisations des décisions, du développement des constructions (France et Japon) ne sont pas les meilleures choses pour développer une WRC. On le sait tous, le “4×4 monospace” de la marque, le SX4, a été choisi comme modèle. Rien que là, on pouvait se poser quelques questions… quand on voit que les autres constructeurs se battent à baisser le centre de gravité, Suzuki, pour sa première année, l’augmente… théorie à revoir. Et c’est tout vu, pas seulement côté aérodynamisme, mais aussi côté moteur, hydraulique (et autres détails de cette importance), et donc performances, la Suz n’est pas au niveau des autres WRC… Stratégie non conforme à la réussite… Que ce soit en Corse, avec le Français Bernardi, ou en Grande-Bretagne, avec le Finlandais Lindholm, Suzuki et son SX4 n’ont pas cassé des briques… Espérons que pour 2008 les problèmes soient résolus… et les performances au rendez-vous… mais certains risquent de travailler le 25 décembre et le jour de l’An si leurs objectifs veulent être atteints. Patientons quelques temps on nous ferons un premier bilan des saisons 2008 de Gardemeister et Andersson.

La marque aux étoiles qu’est Subaru aura choisi la sous-traitance, via son partenaire aujourd’hui historique Prodrive. Leur collaboration dure en effet depuis 1990. Leur palmarès n’est d’ailleurs plus à faire. Durant ces 17 ans de concours et de présence en WRC, l’équipe a remporté 47 victoires scratch, était présente sur 122 podiums et a remporté 1190 épreuves spéciales, sans oublier bien sûr les titres de champions du monde des Rallyes des regrettés Colin McRae en 1995 puis de Richard Burns en 2001.

La marque bleue aux étoiles jaunes avait vu d’ailleurs les meilleurs pilotes… Colin McRae, Petter Solberg, Richard Burns, Carlos Sainz, Juha Kankkunen, Kenneth Eriksson, Ari Vatanen, Tommi Makinen, Markku Alen, mais aussi les jeunes Mikko Hirvonen ou Chris Atkinson. Nous oublierons volontairement l’Espagnol Xevi Pons, qui remporte actuellement le taux d’occupation du département carrosserie de Banbury.

Mais à l’image des performances de Pons, le moral de l’équipe n’est pas au beau fixe. Depuis 2005, c’est la descente aux enfers pour l’équipe de Richard Taylor, boss du SWRT. Leur dernière victoire remonte à fin 2005, au Wales Rally GB, avec l’enragé Solberg Hollywood ! Cette année là, lui et son fidèle copi Phil Mills avaient aussi remporté la Suède et le Mexique, alors qu’en 2004, Solberg et Mills avaient remporté 5 victoires ! Et depuis ce RAC 2005, rien, nada, le néant, aucune victoire. En 2006, la pente devenait raide pour Sub. Le seul réel lot de consolation furent trois 2èmes places pour Petter Solberg : au Mexique, en Argentine, en Autralie, le tout allié à quatre podiums pour l’équipe. Et 2007 fut un réel enfer… seule une 2ème place au Portugal puis un second podium en Grèce vinrent redonner le sourire aux Bleus… Maigre butin pour une marque dont le rallye est son fond de commerce… Espérons que la nouvelle Impreza WRC 2008 redonnera du baume au cœur aux Sub’Boys. Celle-ci prendra part à son premier rallye WRC en Finlande, et le déverminage de la bête devraient être fait prochainement non loin de l’usine Prodrive de Banbury.

Mitsubishi Motors aussi, dans sa théorie de séparation des pouvoirs d’avec Ralliart s’infligeait une perte totale de structure et donc de réussite. Ajoutez à ça quelques caprices et la mayonnaise était loin de prendre…

Il y eut chez Mitsubishi l’affaire Fly Emirates. La compagnie aérienne des Emirats Arabes Unis cherchait alors une équipe pour rouler en WRC. Mais selon les échos, Fly souhaitait une équipe privée, gérant le programme de A à Z. Les Japonais n’auront finalement pas autorisé une équipe privé à utiliser ses Mitsubishi Lancer, préférant les garder pour son retour en 2008, chose qu’aujourd’hui, tout le monde doute.

Idem pour l’affaire Khaled Al Qassimi. L’équipe préférait l’Espagnol Pons, et se privait alors du pilote des Emirats Arabes Unis, qui apportait lui, une grosse valise de biftons… Ce qui aurait forcément bien aidé l’équipe Ralliart. Et Al Qassimi se retrouvait chez Ford, dans la maison Wilson. Perte du sponsor Fly Emirates pour de simples raisons d’égo japonais, éviction de « Al Casimir » amenant l’enveloppe d’Abu Dhabi, les choix japonais imposés à l’équipe anglaise Ralliart étaient bien peu justifiés…

Il restait donc à Ralliart 2 pilotes officiels : l’excellent Gardemeister et nerveux Pons. A ça, on pouvait ajouter la location des Lancer WRC, ce qui amenait un peu d’eau au moulin de l’équipe de Rugby : le Portugais Araujo pour sa manche nationale du WRC, le jeune espoir estonien Aava ou encore, au sein du team finlandais RRE les locaux Hanninen et Kuistila…

Bref, Mitsubishi n’était en 2007 et n’est toujours pas au mieux de sa forme…et ce depuis le retrait officiel de la compétition fin 2005. L’avenir n’a pas l’air bien rose non plus et une page se tourne.

A l’inverse de Suzuki, Subaru et Mitsubishi, deux autres marques tirent leurs épingles du jeu. Il s’agit de Citroën et Ford. Ces deux marques sont aujourd’hui les dominatrices du Championnat, pour preuve leur(s) bataille(s) durant la saison 2007.

Ford fait office de maître dans ce secteur. Ou plutôt Ford et M-Sport, car les entités, aussi proches soient-elles dans les faits, sont réellement distinctes, il s’agit d’ailleurs de Ford Europe. Ford USA étant plutôt hermétique au rallye, la maison mère n’ayant aucun intérêt à s’impliquer dans le rallye mondial aux vues des très faibles retombées aux Etats-Unis… Des retombées encore plus faibles que par chez nous, vous imaginez ? Bref…M-Sport est ici en sous-traitance totale du programme WRC de Ford. Et c’est peut être ce qui fait la force de M-Sport. Son équipe bien sûr est sa force, et Ford n’intervient pas dans la création des autos, dans leur développement, n’impose pas ses pilotes. Bien sûr, Ford a son mot à dire, car la marque est tout de même cliente et donneuse d’ordres, mais la stratégie paye réellement. Pour preuve l’excellente bataille Grönholm contre Loeb cette année, et le titre de champion du monde des constructeurs. Quelques suiveurs (ou des mauvaises langues selon l’avis de chacun) nous disent d’ailleurs que si Loeb avait été chez Ford, le titre aurait été joué depuis bien longtemps… Citroën aussi, dans sa conquête de ses différents titres (Rally-Raid, Championnat de France, Championnat du Monde et JuniorWRC) a opté pour le « tout à la maison », par le biais de Citroën Sport. Le succès est au rendez-vous, Loeb remporte le titre pilotes, Elena celui des copilotes, alors que Sordo et Marti terminent respectivement 4èmes. Pour Ford et Citroën, objectifs et retour sur investissements atteints !

En conclusion, je dirais donc que les décisionnaires et opérants doivent être proches géographiquement mais aussi (et surtout…) proches dans leur décision. Il faut laisser aux équipes et entreprises « clientes » la gestion totale du job.

On aura pu donc voir que les stratégies employées n’étaient pas des meilleures…

Chez Mitsubishi où l’on sait que l’auto marche et fait des temps, la stratégie des dirigeants japonais était néfaste et butée pour ce qu’il restait de l’équipe officielle, alors que Ralliart semblait vouloir faire avancer les choses. Chez Suzuki, on sait que les instances japonaises ont beaucoup trop d’influences sur l’équipe anglo-hongro-japono-française… et le développement de chaque côté du globe est à revoir. Aussi vient le récurant problème du budget. Chez Sub, on ne sait réellement pas d’où vient le problème. Les dirigeants de Prodrive ont l’air relativement libres des instances nippones… Le problème vient peut être de chez les Britons, à voir. Bonne chose, la WRC2008 arrive (un peu tard dans la saison), espérons qu’elle annoncera le retour au haut niveau de la marque aux étoiles, Ford et Citroën n’attendent que ça, ou presque…

A bientôt,
Jean-Charles

  • : du côté est-asiatique, il y eut aussi Hyundaï qui était engagé en WRC, par le biais de MSD (Milton Keynes (R.-U.)), la situation était aussi bipolaire, mais surtout, le manque d’investissement était le point faible du projet.

** : Renault F1 subissait aussi d’ailleurs, et subit toujours une bipolarisation des équipes. L’équipe était à la fois française et anglaise, et chaque pôle occupe un poste stratégique. Moteur d’un côté, aérodynamisme ou châssis de l’autre. Et des conflits internes interviennent, ce qui n’arrangent pas les affaires d’une équipe aux membres bien différents pour s’entendre.

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